LE SOMMET DU G8 A GENES EN JUILLET 2001
Les rencontres des décideurs de ce monde sont l’occasion de rassemblements plurivoques de contestataires de toutes tendances politiques et de tous horizons. Pour les organisateurs du Global Social Forum à Gênes (Attac, les adeptes de la désobéissance civile, les Tutte bianche…) et particulièrement pour la branche la plus « énervée » de ce GSF, les Tutte bianche, il s’agissait de reprendre en mains la contestation autour des contre-sommets. Tout le monde savait que, même si les autorités italiennes s’étaient préparées à une répression musclée, des affrontements entre forces de l’ordre et manifestants anticapitalistes auraient tout de même lieu. Les Tutte bianche ont préalablement préparé avec la police l’encadrement des manifestations, ont passé des accords dans lesquels ils s’engageaient à ne pas s’attaquer à des personnes même en uniforme, à ne pas endommager la ville, à rester non violents. Par cet accord consensuel, les organisateurs interdisaient toute expression des franges radicales du mouvement et cec i pour la première fois : ils ont bien rempli leur tâche. Dans un premier temps, ils ont isolé du reste des manifestants tous ceux qui leur semblaient violents et échappaient à leur contrôle, ensuite ils se sont arrangés pour qu’ils soient pris en tenaille entre leur service d’ordre et la police, les livrant ainsi aux flics ultra-violents qui n’ont pas hésité à tirer à balles réelles et à tuer. Pour justifier leur collaboration aux yeux de l’ensemble du mouvement, en bons stratèges staliniens, ils ont accusé ceux qu’ils ont eux-mêmes désignés comme Black Bloc d’être des provocateurs infiltrés par la police. De cette façon, après les avoir criminalisés, ils les isolaient politiquement.
Cette prétendue infiltration policière du Black Bloc n’a pas existé, ce qui a bien existé, ce sont des milliers de sujets radicaux qui ont tenu un quart de la ville pendant plus de six heures, débordant les consignes de pacification. La faiblesse de la critique de l’ultra-libéralisme des différents participants du GSF, montre bien que leur première préoccupation est de prendre la place laissée par les partis de gauche en pleine décrépitude, de devenir les interlocuteurs crédibles des instances dirigeantes, de représenter la nouvelle opposition au libéralisme en proposant l’alternative du capitalisme à visage humain. Pour ce faire, il leur faut paraître le plus à gauche possible, en éradiquant toute contestation qui s’affranchirait de leur contrôle. L’un des responsables des Tutte bianche, Luca Casarini a répondu à la colère des insurrectionnalistes provoquée par l’acquittement du flic qui a tué Carlos Guliani et par les nombreuses arrestations dans les rangs anarchistes : « les prochaines bombes ou balles, t irez-les contre nous car nous sommes vos pires ennemis. Dans le monde que nous construisons, vous n’aurez pas le droit d’exister »… Ce n’est pas une spécificité italienne, toute mesure gardée, Résistons Ensemble, faisant le bilan de leur manifestation anti-sécuritaire du 21 décembre 2002, déplorait « l’intervention pacifique d’un groupe de militants contre un hôtel du groupe ACCOR, avec laquelle tout le monde est d’accord, pour autant il était inutile pour ce faire de couper la circulation sur tout le boulevard, créant une situation qui pouvait permettre aux RG une intervention provocatrice », et excluait l’un des participants à une chiffonnade interne, « il faudra s’organiser collectivement pour mettre cet individu hors d’état de nuire dans nos manifs ».
Ce ne sont que des exemples parmi d’autres de la forme que prend la critique sociale et politique. Les sans papiers, les précaires, les sans logis, les chômeurs, etc., suivent souvent cette même logique qui place l’Etat en interlocuteur possible. Tant qu’on ne placera pas chacune de ces luttes dans le contexte économique du développement capitaliste, tant qu’on s’imaginera que l’Etat protège l’intérêt des exploités, l’on consolidera cette société fondée sur le profit et la marchandise, en revendiquant quelques miettes. L’Etat laisse ces quelques miettes quand c’est nécessaire au développement capitaliste ; l’Etat n’a jamais hésité à sacrifier, à exterminer dans tous les autres cas. Et ce n’est pas céder au mythe du grand Soir que de continuer à diffuser des idées révolutionnaires. L’utopie n’est pas la chasse gardée du Capital.